Châteauneuf-les-Boissons
Un sanctuaire d'agglomération secondaire
Découvert en 1977, le site gallo-romain de Châteauneuf a été fouillé partiellement de 1978 à 1986 dans le cadre d’un sauvetage provoqué par le projet de construction de l’autoroute A48, section Montmélian/Pont-Royal. Il s’insère dans le contexte archéologique très riche de la Combe de Savoie, rattachée administrativement à la cité de Vienne.
L’emplacement se situe sur la rive droite de l’Isère, à 2 km en aval de son confluent avec l’Arc. La commune de Châteauneuf s’étend à l’extrémité nord-est d’un groupe de collines qui sépare la vallée de l’Isère (Combe de Savoie) de la vallée du Gelon. En bordure de la commune voisine de Chamousset, le site des Boissons occupe une petite cuvette qui s’allonge entre deux moraines glaciaires et descend en pente douce vers l’Isère. L’altitude moyenne est de 290 mètres.
Le site gallo-romain de Châteauneuf s’organise autour de quatre éléments principaux :
♦ Les thermes, qui ont été partiellement fouillés en 1978.
♦ Le quartier d’habitat, qui a fourni un riche mobilier avec trois niveaux stratigraphiques bien datés et la présence de sépultures de nourrissons, à proximité des maisons.
♦ Le théâtre, repéré sur les deux tiers de sa surface, de 54 m de diamètre pour une profondeur de 39,4 m, ce qui le classe dans la catégorie des petits théâtres ruraux. Il est organisé suivant le plan romain classique et a été construit au tout début du Ier s. après J.-C., la dernière occupation remontant au IVe s. après J.-C. sans qu’il soit certain pour autant que le bâtiment était encore utilisé dans sa fonction première.
♦ Le sanctuaire, enfin, qui a fait l’objet d’une monographie.
L’ensemble des prospections menées sur le site montre que l’estimation de quatre hectares, fondée sur les ramassages de surface, est une hypothèse minimum. Il semble que ce soit toute la cuvette des Boissons qui ait été occupée, les vestiges disparaissant maintenant par endroit sous plusieurs mètres d’argile. Notre perception actuelle du site est donc particulièrement fragmentaire et limitée à quelques points particuliers.
Au-delà des données brutes de l’archéologie, il est tentant de faire un essai d’interprétation. Quelle signification accorder au site de Châteauneuf ? Trois points fondamentaux sont à noter :
♦ Premièrement, la fouille a démontré l’aspect essentiel du caractère cultuel du site. Si le fanum du Ier siècle après J.-C. est seul bien révélé, différents indices laissent cependant croire à l’existence d’un lieu de culte plus ancien. D’autre part, les bâtiments qui succèdent au fanum, bien que partiellement fouillés, étaient probablement voués également au culte. Enfin, l’abondant matériel épigraphique est très révélateur de la popularité du lieu.
Quelle que soit la réalité exacte des croyances autochtones qui nous sont parvenues à travers l’assimilation à Mercure, le site s’ordonne autour d’un sanctuaire où est attesté un culte mixte associant culte indigène et culte impérial
♦ Deuxièmement, la proximité du théâtre (qui devait certainement servir à des spectacles à caractère religieux) et des thermes indique un noyau concentré d’édifices publics.
♦ Troisièmement, la situation géographique est privilégiée ; bien que le site ne soit pas sur l’axe principal Gaule-Italie qui passait sur l’autre rive de l’Isère, il est tout de même situé très précisément au carrefour de trois entités historiques : la cité de Vienne, ou Allobrogie, située dans la province de Narbonnaise, les Alpes Graies (Tarentaise) et les Alpes Cottiennes (Maurienne) définitivement dominées par Rome à l’époque augustéenne.
Le choix de ce site semble donc lié à une intention politique, même s’il a recouvert un lieu de culte plus ancien.
Ces trois éléments suggèrent que le site de Châteauneuf a joué le rôle d’un petit centre régional destiné à une population rurale dispersée.
Néanmoins, des traces d’activité artisanale ont été relevées par la fouille (déchet de coulée de plomb, poids de tisserand, matériel de pêche, etc…). Il semble donc que, si le site a eu à son origine une vocation civique, il a ensuite attiré rapidement une population permanente et a pris toutes les caractéristiques d’une agglomération secondaire dans le territoire de Vienne.
L’abandon de l’agglomération gallo-romaine se situe à la fin du IVe siècle après J.-C., peut-être à la suite de modifications des niveaux et des emplacements des rivières proches pendant les importantes variations climatiques qui ont marqué la fin de l’ère romaine. Les bâtiments ont ensuite servi de carrière au Moyen-Age, aussi bien pour la pierre elle-même que pour la fabrication de chaux afin d’établir plus haut un poste fortifié qui contrôlait le passage sur la rive et à travers l’Isère, puisqu’une tête de bac est attestée à cet endroit au moins depuis le XIIIe siècle après J.-C.
Bibliographie succincte :
MERMET Chr., Les thermes gallo-romains de Châteauneuf, dans Archéologia, n°131, juin 1979, p. 12-15.
MERMET Chr., Le sanctuaire gallo-romain de Châteauneuf (Savoie), dans Gallia, n°50, Paris 1993, p. 95-138.